L'AIR DAN MON ASSIETTE (149 HAÏKUS)
sur le balcon
je secoue la serviette -
la pluie se met à tomber
les feuilles sont si rouges
que leurs branches brunes
sont oranges
cette bouée conserve
nos deux souffles mêlés
dans un jour d'été
à 17 heures la pluie cesse
et je m'arrête à ce banc
sous l'immeuble Décembre
je frappe ma poitrine
le moustique
était une goutte de sueur
tempête
le congère d'écume
tremble
bourgeon de Noël
la corneille immobile
contre le bleu du ciel
grands pétales bruns
sur le rocher
deux moules sont des corneilles
durant l'orage
ayant rêvé de l'orage
Bashô me revient
ballon
jouant avec mon souffle
les enfants rient
fleurs de jussie d'août
explosions figées
des coassements de mai
poisson rouge
boîte noire
au code heureusement inconnu
le pic-vert frappe
et refrappe le tronc
nul arbre ne le fait entrer
accroché à la balle jaune
de son bec
le merle fuse
après de longues heures de silence
ma voix qui dit oui
au téléphone
après le déluge
l’ombre du magnolia
disparue sous ses fleurs
au loin
la femme l’enfant
une virgule un point
au soleil d’hiver
les marches de l’église désertes
puent la pisse
au soleil les yeux clos
un livre sur le ventre
me vient ce poème
avec ces 85 centimes
demain je m’achèterai
une pomme et un livre
ayant absorbé la neige du jour
les eaux du canal
tremblent
bateau fantôme
à l’horizon
le ciel est si gris
bouquet du quatorze
puis
dans le black-out une luciole
bruit de baisers
dans le couloir
la voisine n’est plus seule
bruit de toile froissée
notre voisin campeur s’en va
je ne l’ai jamais vu
brume
venues de nulle part
les voitures y retournent
buvant
à la surface de mon thé
le soleil
ça sent le gazon
bruit de crachat d'un jogger
je rouvre les yeux
ce livre trouvé
il y a cinq ans
je l’ai jeté hier
ce pin enneigé
chu il y a deux hivers
et halte du corbeau
ce point noir sur le mur
l’époussetant
c’est un insecte que je tue
ce que dit la mer
les pins le soufflent au vent
inlassablement
celui dehors qui ratisse
aussi peigne mon âme
soleil d’octobre
cent petits tas de terre
sur la pelouse des voisins
les taupes elles sont bien en vie
cette branche piquée sur la rivière
plante une ombre
sur la glace dense
cette branche
plantée dans la rivière
perce huit centimètres d’air
cette pierre
plouf !
je ne la reverrai jamais
cette pleine lune d’août
je n’ai besoin que d’elle
pour écrire
cette pleine lune
si forte
me convie à écrire
cette voix forte d’enfant
dehors rend irréel
tout ce qui la cerne
chaudement vêtus
ils boivent sous la pluie
dans mon lit je lis nu
coupant par le cimetière
elle m’apprend
qu’elle naîtra dans deux mois
d’une seule goutte de pluie
la flaque s’est agrandie
mais qui peut le voir ?
dans l’arbre rouge
se réfugient à sa cime
les dernières feuilles vertes
dans le bus matinal
le jeune homme à paillettes
l’ivrogne aux cheveux pelliculeux
dans le jardin
d’une demeure aux volets clos
la pie festoie
dans le lit à l’aube
telle une chrysalide vide
sa nuisette
dans le miroir d’une chambre
sur la vitre d’un train
le même visage
dans le verger sec
le moucheron assoiffé
se jette dans ma gorge
de l’écluse à la route
les chants des oiseaux
font un pont
de rares roses
ces fleurs des magnolias
qui survivent à la grêle
debout sur le calvaire
toute une famille
feu d’artifice
des gens courent sous la pluie
des bouquets de tournesols
pleins les bras
des Russes égarés dans la neige
cette lecture d’un soir d’été
me rafraîchit
dessous l’œil rieur de l’enfant
sèche
une larme brille
deux avions
le ciel bleu
croix blanche
deux grands essuie-glaces blancs
dans la nuit
couple d’aveugles
du galet jeté
contre d’autres
une moitié me revient
du haut d’une tour
un goéland me crie
qu’il voit la mer
eau douce herbe coupée
air lourd
odeurs d’été
électricité coupée
la bougie éclaire la page
réchauffe la main
encore une goutte de pluie
la flaque s’est agrandie
mais qui peut le voir ?
entortillé
sur le brin de mimosa
un cheveu d’enfant
entre les étangs
le papillon me guide
connaît le chemin
flaques d’eau de mer
dans les rochers
pièces d’éternités oubliées
fourgon noir
une housse blanche un corps
mes yeux contre la vitre
goutte à goutte
de balcon en balcon
la pluie a cessé
hors de portée des embruns
maintenant
je sens la pluie
il souffle dans les pins
le vent
et fredonne la mer
il tranche lentement l’azur
coupure blanche
invisible avion
immobile dans mon bain
l'eau bouge
je vis
ivre dans la nuit
je me concentre
un pied dans la haie
je m’assois dans la nuit
la pleine lune me frappe au visage
qui va là ?
l’automne du mimosa
c’est pour nous
le printemps
l’aile du pigeon
me gifle presque
son odeur encore quelques mètres
la bave goutte
de sa bouche bée
l’enfant ébahi par la pluie
la brume se lève
la route s’allonge
les jambes se découragent
la femme sur l’affiche et moi
la vitre au milieu
nous nous regardons
la jeune fille pressée s’arrête
cueille une fleur de magnolia
reprend sa course
la jument tend la gueule
vers le son des cloches
messe dominicale
la lune fuit
doucement
les mots m’échappent
la ponctuation du printemps
se remet en place
les oiseaux les fleurs
la tête baissée
je marche parmi les nuages
flaques de pluie
la tourterelle en vol
manque m’éborgner
de sa branche
le chat noir
dans l’ombre noire
gratte un collier rouge
le châtaigner cet hiver
ne donne plus d’ombre
qu’à lui-même
le feu se rétrécit
mais ne meurt pas
pourtant la lumière me quitte
le jour point
au travers du volet
une vache meugle
le jus de tomate
coule dans le verre
sans un bruit
le long du chemin
parmi les feuilles mortes
des cartes à jouer piétinées
le merle
parfaitement immobile
tous les deux ou trois pas
le mimosa
son parfum sa couleur
vivants parmi les morts
le père la mère la fille
silencieux lisent
les klaxons d'un mariage
la petite fille
une tétine aux lèvres
fixe un jouet déjà ancien
le poisson rouge parle
je n'entends pas sa langue
nos deux silences
le reflet des branches immobiles
vibre
dans l’onde molle
le rêve d’une nouvelle baie
délicieuse
se cueillant en collier
le soleil point
dans la brume
pleine lune blafarde
le souffle de ma fille
agite les poils
de mon bras nu
le visage apparu
au fond de mon bol
y boit à part égale
léger choc électrique
dans l’air brûlant du marais
deux libellules flirtent
légère brise
les hautes herbes se penchent
la tondeuse a démarré
les barreaux de la pluie
emprisonnent
la fraîcheur de l’air
les canards dérivent
à l’envers
dans le courant beige
les cheveux du clochard
revenu ce printemps
sont plus rares et plus blancs
les magnolias ont explosé
dans la nuit
printemps !
levant les bras
pour cueillir une poire
failli cueillir le soleil
matelas pneumatique
je m’endors
avec pour lit mon souffle
même torse nu
la sensation d’une chemise
insomnie d’été
même
épluchant des oignons
les larmes ne viennent pas
mes pas rebondissent
sur la tendre moquette
de la lande
pendant ma sieste
accouplés la branche et le vent
me caressent
personne dans ce bus
ne me demande d’ôter mon sac
pour s’asseoir à mes côtés
plage au crépuscule
au vent la bouteille chante
avec le vin moi aussi
plantés dans l’eau brune
quatre roseaux toisent
la paille déchiquetée de leurs feuilles
poils pubiens
entre les pages d’un livre
trop souvent alité
pommes et poires mûrissent
le vieux voisin à l’hôpital
plus que ses pommes ses poires
quatre boudins de roseaux
dominent dans l’eau noire
leurs feuilles éclatées
reprenant mon souffle
à l'ombre d'un arbre
il me couvre de fleurs
saturées d’algues
les vagues
font des rouleaux noirs
sous la pluie à l’aube
les vitrines
irradient les pavés
sous la pluie
le jaune surnaturel
d’une boîte aux lettres
sous le poids de la neige
les unes contre les autres
les hautes herbes se couchent
sous le pont
l’arbuste isolé
qu’un rai de lumière seul éclaire
sous le soleil printanier
l’étang étincelant
vacarme des grenouilles
sous les grands confettis verts
spectre d’encre brune
le banc de fretins noirs
sous les réverbères
je ne sais où aller
mon ombre aussi va et vient
sterne dans le ciel blanc
point qui ne sait où se poser
sur la page
sur la rivière ensoleillée
un reste de glace
qu’à l’ombre des saules
sur le mur de tennis
dessous la ligne blanche
l’escargot héroïque
sur le trottoir étroit
un parapluie m’abrite
le temps d’un regard
tout dort ici
la lampe peint la lune
sur mon carnet
trois heures de marche dans la brume
puis un panneau
MACDONALDS 2 KMS
tronçonné
l’arbre
tombe à l’automne
un lampadaire allumé
groupe d’arbres battements d’ailes
fin de l’été
un oiseau de nuit
dans le Palais des Papes
vient écouter du jazz
un papillon mort
sur le sable détrempé
tes cheveux me frôlent
un soleil froid
et l’ombre du corbeau
plus noire que le corbeau
une bourrasque les gifle
les magnolias s’agitent
et la chassent
une cane et ses petits passent
les grenouilles se figent
un corbeau se pose sur une branche
une
feuille morte
vole
dans l’été
papillon
brun
une giboulée
pulvérise les fleursdes magnolias précoces
une
miette de pain passe
sous
l’aile blessée de l’oiseaula fourmi sans cœur
une
plume
collée
à son boguela châtaigne tombe
une sandale abandonnée
immobile flotterivière d’octobre
une
saturnie se jette
dans
la lumière de l’allogènevrouf ! fumée d’encens
une seule feuille
a la forme qu’il faut
pour fendre le courant
une vague odeur de sang
dans l’haleine au matinque suis-je la nuit ?
Vivaldi
s’arrête
le
cri d’une mouettele vent